Pop Rock – Téléphone

Téléphone est un groupe de rock français formé en 1976 et séparé en 1986, composé de Jean Louis Aubert (chant, guitare), Louis Bertignac (guitare, chant), Corine Marienneau (basse, chant) et Richard Kolinka (batterie). En dix ans d’activité de 1976 à 1986, le groupe a sorti cinq albums studio. Il est également le deuxième plus gros vendeur de disques pour un groupe de rock français (derrière Indochine), avec plus de six millions d’exemplaires vendus.

Les débuts du groupe :

Au milieu des années 1970, les groupes de rock français (Ange, Magma, Martin Circus, Au Bonheur des Dames, Triangle, Zoo, Les Variations…), malgré leur succès et leur popularité auprès de la jeunesse, ne reçoivent pas de promotion de leur maison de disque et n’ont de ce fait aucune reconnaissance médiatique en radio ou télévision. L’arrivée du mouvement punk en Grande-Bretagne change cet état de fait et Téléphone en sera le principal bénéficiaire.

L’histoire de Téléphone commence le 12 novembre 1976 au Centre Américain de Paris, Boulevard Raspail. Ce soir-là, doit avoir lieu un concert des jeunes Jean-Louis Aubert et Richard Kolinka, deux musiciens qui ont déjà fait partie de quelques groupes. Ils ont préparé le concert avec ardeur mais ils n’ont personne pour les accompagner. Ils font donc le tour des amis, et parviennent in extremis à trouver deux musiciens compétents et libres : Louis Bertignac et Corine Marienneau, tous deux anciens du groupe Shakin’ Street.

Les futurs Téléphone sont déjà au complet et jouent quelques compositions d’Aubert (dont Hygiaphone et Métro, c’est trop !) et des reprises de rock anglais (The Who, The Rolling Stones, etc…) devant un public enthousiaste de 500 personnes. Artistiquement, l’expérience se révèle marquante : les quatre musiciens déclareront plus tard avoir ressenti lors de ce premier concert une alchimie aussi mystérieuse qu’excitante, qui les pousse à rester ensemble. Avec l’aide d’un copain d’Aubert, François Ravard, qui fait office de manager, ils partent donc à la recherche d’engagements. Ils jouent dans les MJC, les soirées dansantes, et bientôt les salles de spectacle.

Le groupe, avec un son sans concession inspiré des groupes anglais, fait donc sensation partout où il passe. Ils jouent leur premier concert sous le nom de Téléphone au Gibus, prestigieux club parisien, puis deviennent des habitués des fins de soirée aux studios de Radio France avec Jean-Louis Foulquier. Les mois qui suivent voient l’ascension fulgurante du groupe : Le 26 mars 1977, à l’initiative de la RATP, le groupe donne un concert gratuit au métro République. Il en résulte un énorme embouteillage et le blocage de la ligne 11 du Métro de Paris. Le 2 mai, ils assurent la première partie d’Eddie & the Hot Rods au Pavillon de Paris, leur volant la vedette. Le 7 juin, profitant de la défection de Blondie, ils jouent à l’Olympia en première partie du groupe américain Television. Le concert remporte un très grand succès, et des critiques enthousiastes dans les journaux.

Dès le lendemain, le groupe enregistre son premier 45 tours “Téléphone!”, en public au Bus Palladium avec Andy Scott. Le 45 tours, auto-produit à 2000 exemplaires, est vendu cinq francs à la sortie des concerts par le groupe, puis réédité par le label Tapioca. Il comprend “Hygiaphone” et “Métro (c’est trop)”. Le disque, pourtant sorti sans aucune autre promotion que les concerts du groupe, remporte un succès très encourageant. Un mois plus tard, à la suite d’un article paru dans le magazine « Rock & Folk », Téléphone est approché par la maison de disques Pathé-Marconi. Le 25 août 1977, moins d’un an après sa formation, le groupe signe un contrat pour trois albums.

Téléphone (1977) : Enregistré à l’Eden Studio de Londres et produit par Mike Thorne, le disque se vend à plus de trente mille exemplaires en quelques mois et atteint ainsi la deuxième place du classement de ventes d’albums en France. L’année suivante, soutenu par la maison de disques qui décide de lui assurer une promotion digne de ce nom, ce premier album deviendra disque d’or. Le single “Hygiaphone” se classe à la vingt-septième place du classement des ventes de disques. C’est en soi une véritable révolution dans le rock français. On n’avait jamais entendu jusque là un groupe de rock français, chantant en français, aussi proche de l’esprit et du son des Rolling Stones. Le titre “Anna” atteindra, quant à lui, la 60ème place.

Crache ton venin (1979) : Enregistré aux Studios Red Bus de Londres et produit par Martin Rushent, c’est l’album de la consécration : il finira disque de platine, avec plus de 400.000 exemplaires vendus et atteint la deuxième place du classement de ventes d’albums en France. Le single emblématique de l’album est “La Bombe humaine”, 32ème au classement des ventes dont le refrain, repris en chœur par tous les adolescents de l’époque, exprime bien l’angoisse du nucléaire et de la guerre froide tout autant que la nécessité de prendre en main son destin. Le groupe appuie également sa popularité sur les concerts, très nombreux et énergiques : au cours du printemps 1979, ils réalisent plus de soixante dates.

Au cœur de la nuit (1980) : est enregistré au studio Pathé à Boulogne-Billancourt et à l’Electric Lady (le studio qui fut créé par Jimi Hendrix, idole du groupe) de New York. Il se classe à la 3ème place du classement de ventes d’albums en France. En décembre, il est déjà disque d’or. Un seul single, “Argent trop cher” est tiré de l’album ; il atteint la vingt-septième place du classement des ventes. Après un court passage en Italie, le groupe entame début 1981 une grosse tournée française : 3000 personnes par soir en moyenne et une quantité impressionnante de matériel.

Dure Limite (1982) : Après trois disques chez Pathé-Marconi, le groupe signe chez Virgin, en échange d’une avance de 5.000.000 F. Le patron de Virgin, Richard Branson, a l’intention de faire d’eux un groupe de dimension internationale. En effet, malgré quelques tournées à l’étranger, Téléphone reste dans une large mesure un phénomène purement franco-français. En mars 1982, Téléphone part à Toronto pour enregistrer son quatrième album, Dure Limite, produit par Bob Ezrin, qui s’est précédemment occupé d’artistes comme Alice Cooper, Lou Reed, Pink Floyd ou Peter Gabriel. Le 33 tours est révélé le 3 juin 1982. Fortement soutenu par leur label, qui fait entre autres réaliser par le cinéaste Julien Temple une vidéo pour “Ça (c’est vraiment toi)”, avec des sosies de personnalités telles que Margaret Thatcher ou Sid Vicious, le disque est le plus grand succès de l’histoire du groupe ; il s’est classé à la première place du classement de ventes d’albums en France et s’est vendu en deux ans à plus de 700.000 exemplaires. “Ça (c’est vraiment toi)” se classe 5ème des ventes de singles et “Cendrillon” atteint la 14ème place.

Pourtant, à cette époque, la concurrence commence à exister en France : de nouveaux groupes de rock français, tels que Trust ou Indochine, marchent sur les plates-bandes de Téléphone. Le référendum 1981 du magazine musical Best place même Trust en première position devant Téléphone. C’est aussi la mode new wave des boîtes à rythme et des synthétiseurs, à laquelle le groupe résiste en conservant un son très rock.

Un autre monde (1984) : En 1984, Téléphone est fatigué par la pression commerciale, les tournées mondiales incessantes et leur demi-échec récent, notamment dans certaines villes des États-Unis, commencent à entamer l’ambiance au sein du groupe. Cette lassitude se retrouve dans le son d’Un autre monde, leur nouvel album. Enregistré au cœur de la campagne anglaise, dans le studio de Glyn Johns qui a travaillé avec plusieurs des idoles du groupe : Rolling Stones, Who, Led Zeppelin, Eric Clapton, le disque est de loin leur plus mélancolique. Il marque aussi l’arrivée d’un son plus moderne et moins rock, avec des synthétiseurs, ce qui ne l’empêche nullement d’être un succès, et de se classer à la deuxième place du classement de ventes d’albums en France. Il se vend rapidement à plus de 600.000 exemplaires (devenant disque de platine), notamment grâce à la chanson qui donne son titre au 33 tours. Celle-ci devient un tube fin 1984 début 1985, en atteignant le numéro 4 au Top 50 ; le single y reste classé 32 semaines d’affilée, et le clip de la chanson réalisé par Jean-Baptiste Mondino, alors en pleine ascension, n’est sans doute pas complètement étranger à ce succès.

La séparation du groupe :

Début 1986, le groupe entre en studio pour produire un nouvel album. Mais la tension s’est accentuée entre les musiciens, et seul le single “Le jour s’est levé” sort en avant-première pour faire patienter les fans. Ce sera leur dernier succès : numéro 4 au Top 50, classé vingt-deux semaines fin 1985, début 1986. Depuis quelques mois déjà, les membres du groupe s’éloignent de Téléphone, collaborant de plus en plus à des projets extérieurs. Le 24 mars 1986, le manager de Téléphone annonce que les musiciens vont prendre une année sabbatique pour mener à bien leurs projets personnels. Le label Virgin précise : « En aucun cas ce congé de douze mois ne signifie la séparation du groupe ». Pourtant, moins d’un mois plus tard, le 21 avril 1986, les membres du groupe annoncent leur séparation.

Discographie : 

1977 : Téléphone
1979 : Crache ton venin
1980 : Au cœur de la nuit
1982 : Dure Limite
1984 : Un autre monde