Rock Progressif – Pink Floyd

C’est sans doute, avec les Beatles et les Rolling Stones, le plus connu des groupes de pop music britannique. En tout cas, le plus écouté. Formé en 1966 par d’anciens étudiants en architecture, il tire son nom de deux bluesmen obscurs : Pink Anderson et Floyd Council. Le groupe de rock progressif rencontre sa première chance en octobre 1966, à la Rounhouse de Londres, le soir du lancement du journal underground IT (International Times). L’affiche réunit deux groupes : lui et le groupe Soft Machine. Pink Floyd y jouera une des premières moutures de son « Interstellar Overdrive », largement improvisée. On leur colle dès lors sur le dos l’étiquette « psychédélique » – amplement justifiée par l’attitude de leur leader du moment, Syd Barrett. Celui-ci crée alors une musique bizarre et hallucinée. Et son groupe fait les beaux jours du Londres souterrain et bohème de l’époque – en particulier au club UFO. L’inspiration débridée, l’expérimentation à tous crins, la folie de Syd Barrett aboutit rapidement, dès 1968, à une certaine confusion. Barrett est mis sur la touche et remplacé par le guitariste David Gilmour. Le groupe prend alors sa forme définitive, soit, outre Gilmour : Roger Waters (Basse), Richard Wright (Claviers) et Nick Mason (Batterie).

À partir de ce moment là, il se concentre sur des thèmes plus séduisants, créant un son particulièrement « planant », surtout grâce au jeu très coulé de David Gilmour. Waters écrit pratiquement toutes les compositions et s’affirme en leader du groupe. À l’apogée de son succès, entre 71 et 73, le Pink Floyd conquiert tout un nouveau public et rend la pop music « acceptable » par des gens, qui jusqu’alors, la refusaient pour des raisons esthétiques (ou soit-disant telles). On les accuse alors de faire de la musique pour jeunes cadres dans le vent, amateurs d’effets stéréos. Pourtant l’influence de Pink Floyd continue à s’étendre, notamment vers l’Allemagne, où beaucoup de formations reconnaissent avoir été inspirées par lui comme Tangerine Dream par exemple. Même s’ils ne produisent plus que très rarement, notamment depuis 1994, les musiciens du Pink Floyd ont laissé une empreinte énorme dans le rock, en y introduisant des données aussi importantes que la fascination, et un plaisir musical quasiment extatique renouvelé à chaque écoute.

The Piper at the Gates of Dawn (1967) : est le premier album du groupe Pink Floyd, sorti le 5 août 1967. Le titre de l’album (en français Le joueur de pipeau aux portes de l’aube) est une référence au chapitre 7 du livre Le Vent dans les saules de Kenneth Grahame. Le disque est largement dominé par l’influence de Syd Barrett, dont les compositions évoquent l’espace (« Astronomy Domine », « Interstellar Overdrive ») ou les contes de fées (« Matilda Mother », « The Gnome »). L’album fut enregistré dans le studio no 3 d’Abbey Road, tandis que dans le studio no 2, en face, les Beatles enregistraient leur album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Reçu plutôt positivement par la critique à sa sortie, il sera plus tard reconnu comme l’un des plus grands albums psychédéliques des années 1960.

A Saucerful of Secrets (1968) : C’est la dernière participation, et de manière limitée, de Syd Barrett à Pink Floyd. Dès la fin de 1967, il est sous l’emprise des nombreuses drogues qu’il absorbe quotidiennement, notamment le LSD : il n’arrive plus à jouer en groupe, a de plus en plus peur de se produire en concert et ses absences répétées fragilisent la cohésion du groupe. Les autres musiciens cherchent alors un autre guitariste pour, dans un premier temps, épauler Barrett, puis pour le remplacer. Le premier nom à circuler est celui de Jeff Beck, on a aussi pensé à David O’List des Nice, mais c’est finalement David Gilmour, originaire comme les quatre autres de Cambridge et ami d’enfance de Barrett, qui devient le nouveau membre de Pink Floyd.

More (1969) : Il s’agit de la bande originale du film More de Barbet Schroeder. Le film met en scène l’aventure d’un jeune Allemand qui découvre les plaisirs mais aussi l’enfer de la drogue grâce à une Américaine. Tourné en pleine période hippie, une bonne partie du film se déroule à Ibiza qui deviendra un lieu incontournable pour le mouvement hippie. Cet album se classa à la 9ème place des charts britanniques lors de sa sortie et à la 153ème place du billboard 200 lors de sa réédition en 1973 aux États-Unis. En France, More sera certifié disque d’or (100.000 exemplaires vendus) en 1977.

Ummagumma (1969) : C’est l’œuvre qui a vraiment lancé le groupe en même temps que la musique du film More. Double album : un disque en public et l’autre en studio. Les concepts retenus sont, pour les deux disques présenter des morceaux longs (environ 10 minutes) composés et interprétés dans un esprit « psychédélique », mais pour l’album studio, que chaque membre du groupe propose son propre morceau. Ces titres seront développés plus tard dans des albums comme Atom Heart Mother ou Meddle. Finalement les membres du groupe furent déçus par le résultat : David Gilmour ne sut pas « s’expliquer son succès commercial », tandis que Roger Waters dit simplement : « Ummagumma? What a disaster! » . Il obtint pourtant en France le Grand Prix de l’Académie Charles-Cros et connut une faveur certaine en Grande-Bretagne, figurant à la cinquième place dans le classement des albums. Aux États-Unis, il atteindra la 74ème place du Billboard et se vendra à plus d’un million d’exemplaires.

Atom Heart Mother (1970) : La seule expérience vraiment symphonique de Pink Floyd. Avec Meedle qui suivra, c’est un album charnière – Entre le Rock d’Ummagumma et la sophistication de Dark Side Of The Moon. La production est infiniment soignée, avec des petits trucs drôles pour fanatiques de la hifi, comme le vol d’une mouche. L’instrumental « Atom Heart Mother » qui fait 23 minutes, a été coécrit par un membre extérieur au groupe, le musicien avant-gardiste Ron Geesin.

The Dark Side of the Moon (1973) : Il est souvent considéré comme l’album le plus abouti des Pink Floyd. Il aborde des thèmes universels, comme le travail, l’argent, la vieillesse, la guerre, la folie et la mort. The Dark Side of the Moon a la particularité d’avoir été joué pour la première fois le 20 janvier 1972, soit plus de treize mois avant sa sortie en disque, et d’avoir été joué et retravaillé durant tout ce temps, sur scène.

Le groupe se servit, pour l’enregistrement, de techniques encore rares à l’époque, (L’enregistrement fut fait sur un magnétophone 16 pistes, matériel qui permet une bien plus grande flexibilité de mixage que les anciens 4 et 8 pistes. Richard Wright quant à lui utilisa des synthétiseurs analogiques, comme le VCS 3, sur plusieurs des pistes.) Ces apports technologiques sont particulièrement palpable sur des titres comme « Breathe » et surtout « On The Run ». Alan Parsons était l’ingénieur du son responsable de l’enregistrement, et notamment des principaux aspects sonores présents comme la performance imprévue de la chanteuse Clare Torry sur « The Great Gig in the Sky ». La pochette, réalisée par Storm Thorgerson, est la réponse à la demande du groupe d’un concept graphique « simple et audacieux ». Le célèbre prisme représente l’éclairage scénique du groupe, et le livret original de l’album contenait les paroles des chansons de l’album.

Resté dans le Billboard 200 américain pendant une période record de 914 semaines — l’équivalent de plus de 17 ans et 6 mois — dont 591 consécutives, le disque représente, jusqu’à aujourd’hui, l’une des meilleures ventes d’albums de tous les temps (entre 45 et 50 millions d’exemplaires). Les titres « Money » et « Us and Them/Time » sont sortis en single, et « Money » est devenu le premier à propulser Pink Floyd en tête des ventes.

Wish You Were Here (1975) : L’album sort le 12 septembre 1975 au Royaume-Uni et le lendemain aux États-Unis. Les 250.000 commandes britanniques le propulsent immédiatement en tête des charts, et la demande est telle qu’EMI informe les détaillants qu’ils ne pourront satisfaire que la moitié de leurs demande, tandis qu’aux États-Unis, Columbia a reçu plus de 900.000 commandes pour l’album, qui se hisse en tête du Billboard dès sa deuxième semaine.

« Shine On You Crazy Diamond » : a pour thème l’absence en général, mais au fil de son évolution, c’est l’absence de l’ancien leader du groupe, Syd Barrett, qui influence la composition, et tout le reste de l’album. Le titre du morceau est d’ailleurs probablement issu du prénom « Syd » : Shine on You crazy Diamond. Celui-ci se rend d’ailleurs aux studios Abbey Road le 5 juin 1975, pendant les sessions de travail sur l’album. Sa visite bouleverse les membres du groupe, qui le revoient pour la première fois depuis deux ans. Il est devenu chauve, obèse et instable, et les membres du groupe ne l’ont pas de suite reconnu. En voyant ce qu’il est devenu, David Gilmour éclatera en sanglot.

« Have A Cigar » : Aucun membre du groupe n’a chanté sur cette chanson. En effet, Roger Waters et David Gilmour n’étaient ni l’un ni l’autre satisfait de leur interprétation. Lorsque Roy Harper se proposa pour chanter le morceau, cela leur a semblé être la bonne solution. Ils lui ont donc laissé leur place. C’est ainsi que le chanteur/guitariste anglais, qui enregistrait un album solo en même temps dans le studio 2 des Studios Abbey Road a posé sa voix sur les bandes du morceau. Néanmoins, durant les spectacles de 1975 et 1977, ce fut Roger Waters qui chantait.

Animals (1977) : trouve son inspiration dans le livre « La Ferme des animaux » de George Orwell et reprend les grandes lignes du roman : le cynisme, l’agressivité, la critique sociale en utilisant des archétypes animaux. La société est ainsi divisée en trois castes qui donnent leurs titres aux morceaux : « Pigs » (la bourgeoisie), les porcs qui baignent dans la luxure et l’oisiveté. « Dogs » (la petite bourgeoisie), la classe intermédiaire, les chiens qui recherchent le profit, qui exercent le contrôle des masses avec agressivité, et « Sheeps » (le peuple), les soumis tels les moutons qui suivent docilement en troupeau, aveuglés et impuissants. Animals rompt singulièrement avec les thèmes explorés par Pink Floyd dans Wish You Were Here ou The Dark Side of the Moon, prenant un ton nettement politique au sein d’une scène musicale anglaise marquée par l’ascension fulgurante du punk.

The Wall (1979) : L’album eut un immense succès dès sa sortie, montant rapidement à la première place du Billboard aux États-Unis, en seulement quatre semaines, et à la troisième place en Grande-Bretagne. On estime le nombre total de ventes dans le monde à 30 millions de copies. C’est le double album le plus vendu de tous les temps ; aux États-Unis, il est 23 fois disque de platine pour 11,5 millions d’albums doubles vendus. C’est le deuxième album de Pink Floyd le plus vendu après The Dark Side of the Moon et l’un des albums les plus populaires au début des années 1980. Le single « Another Brick in the Wall, Part II » est le seul single No. 1 du groupe au Billboard.

The Wall est un double album produit par Bob Ezrin, que l’on avait davantage l’habitude de voir aux côtés d’Alice Cooper. L’histoire de l’album raconte la vie d’un anti-héros, Pink, qui perd son père durant la Seconde Guerre mondiale, est ensuite surprotégé par sa mère, puis tyrannisé par des professeurs désireux de le modeler comme les autres élèves. Pink se retire alors dans un univers imaginaire en bâtissant un mur dans son esprit, une allégorie représentant sa distanciation émotionnelle, pour se protéger du reste du monde : chaque traumatisme qu’il subit est une brique de plus ajoutée à son mur. Parallèlement à ce processus, il devient une « rock star » et se marie, mais il s’éloigne de plus en plus de sa femme, qui finit par le tromper. Pink achève alors la construction de son mur. Il sombre peu à peu dans la folie et la dépression. Perdu en lui-même, son entourage lui injecte des médicaments pour qu’il puisse assurer ses concerts. Pink hallucine et se prend pour un dictateur fasciste : ses concerts deviennent des prestations néo-nazies durant lesquelles il envoie ses hommes contre les fans qu’il considère indignes, mais sa conscience finit par se révolter et le soumet à un procès dans lequel il est à la fois accusé et plaignant. À l’issue de ce procès, le juge ordonne que le mur soit détruit et que Pink s’ouvre au monde.

The Final Cut (1983) : Cet album-concept est le dernier du groupe auquel participe Roger Waters, et le seul pour lequel il fournit l’intégralité des paroles et de la musique. De nombreux musiciens de studio y contribuent et la production est marquée par les tensions croissantes entre Waters et les autres membres du groupe notamment Gilmour. C’est un disque anti-guerre, qui présente quelques caractéristiques d’un opéra-rock. Dans ses paroles, Waters exprime ce qu’il ressent comme une trahison à l’égard des soldats britanniques tués pendant la Seconde Guerre mondiale, qui sacrifièrent leurs vies dans l’espoir que leur victoire permettrait la naissance d’un monde en paix où les chefs politiques seraient moins enclins à utiliser la guerre pour résoudre leurs disputes. Les paroles de l’album critiquent Margaret Thatcher, appelée « Maggie » tout au long de l’album, dont les décisions politiques (notamment son engagement dans la guerre des Malouines contre l’Argentine) sont considérées par Waters comme un exemple de cette trahison.

Après le départ de Roger Waters en 1985, David Gilmour devient l’unique leader du groupe avec le batteur Nick Mason et avec le retour de Richard Wright (exclu du groupe en 1979 par Waters) aux claviers en 1987 jusqu’à sa mort en 2008. Le groupe enregistre deux albums studio sous la direction de Gilmour : A Momentary Lapse of Reason en 1987, et The Division Bell en 1994, avant de se séparer en 1996 pour que chaque membres s’investissent à plein temps dans des carrières solos.

The Division Bell (1994) : traite en grande partie de la communication et surtout de la parole qui peut résoudre de nombreux problèmes dans la vie. C’est pourquoi il est considéré comme le contraire de The Wall qui traite justement de l’absence de communication. À travers cet album on retrouve dans quelques chansons comme « Poles Apart » ou « Lost For Words » les rapports ombrageux entre Pink Floyd et Roger Waters qui, comme on le sait, a quitté le groupe 9 ans plus tôt.

Syd Barrett décède en 2006 à l’âge de 60 ans et Richard Wright en 2008 à l’âge 65 ans.

The Endless River (2014) : l’album connaît d’emblée un très grand succès commercial et se classe numéro un dans vingt pays, dont le Royaume-Uni et la France où il est disque d’or dès la première semaine puis double disque de platine en 4 mois, ses ventes dépassant les 2,5 millions d’exemplaires en 2014 (soit la 9e meilleure vente mondiale). Il n’y aura pas de tournée pour cet album.

Discographie : 

The Piper at the Gates of Dawn (1967)
A Saucerful of Secrets (1968)
More (1969)
Ummagumma (1969)
Atom Heart Mother (1970)
Meddle (1971)
Obscured by Clouds (1972)
The Dark Side of the Moon (23 mars 1973)
Wish You Were Here (1975)
Animals (1977)
The Wall (1979)
The Final Cut (1983)
A Momentary Lapse of Reason (1987)
The Division Bell (1994)
The Endless River (2014)